Faut-il toujours lutter contre les imperfections de la concurrence ?

Pour revenir au sommaire des SES, c'est ici...    et pour la version affichant une question par sous-partie, c'est par là...    (droits réservés)


Accroche   Le modèle de la concurrence parfaite est largement théorique. En fait la concurrence est presque toujours imparfaite. Il peut exister des raisons de vouloir rapprocher la réalité du modèle théorique, mais pas dans tous les cas.

Définition de mot-clé
   - marché imparfaitement concurrentiel :  marché sur lequel une des conditions du marché concurrentiel (voir ce terme) n'est pas remplie, en particulier lorsque le nombre limité d'offreurs ou l'existence de versions différenciées du produit donne aux vendeurs les moyens d'influencer le prix

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Un monopole nuit généralement au bien-être de la population, même si c'est moins clair parfois pour certains monopoles naturels ou monopoles d'innovation


 a) Le gain à l'échange (somme des surplus) est inférieur en situation de monopole (a priori moins efficace, donc)

Le gain que les agents économiques tirent de leurs échanges peut être évalué comme la somme des surplus des consommateurs et des producteurs sur le marché de chaque produit. Ce gain à l'échange est inférieur dans le cas d'un monopole, par rapport à une situation de concurrence, à cause du prix plus élevé qui s'établit sur un marché où il y a un seul offreur. Graphiquement le surplus des consommateurs correspond en effet à la surface entre la droite horizontale du prix de marché et la courbe de demande, à gauche de la quantité échangée. Cette surface est moins élevé si le prix est plus haut et la quantité de produit achetée plus faible, ce qui est le cas en situation de monopole.

De ce point de vue, l'existence d'un monopole peut apparaître comme une situation de marché moins efficace pour assurer la meilleure satisfaction possible des besoins des agents, à commencer par les consommateurs. Le niveau de bien-être général semble inférieur dans ce cas à son maximum possible.


 b) Certaines barrières à l'entrée sur un marché ne sont pas institutionnelles et peuvent parfois être utiles (monopole temporaire motivant l'innovation, monopole naturel lié aux coûts fixes)

Une partie des monopoles peut s'expliquer par des dispositions légales prises par les pouvoirs publics. Quand l'accès au marché d'autres producteurs est ainsi freiné ou interdit par la loi, on parle de monopoles institutionnels. Par exemple l'Etat français a mis une barrière à l'entrée sur le marché des jeux de hasard en décidant d'en faire un monopole pour FDJ, qui vend les tickets à gratter comme Banco ou les grilles du Loto. Ce type de monopole peut se justifier par des motifs de santé ou de sécurité publique, mais son efficacité économique est limitée compte tenu du gain à l'échange plus faible par rapport à la situation de concurrence parfaite.

Dans d'autres situations, le monopole est le résultat de phénomènes économiques. Il n'est pas toujours juste alors d'y voir une source d'inefficacité. Par exemple, lorsque la production nécessite de très grosses dépenses d'équipement, comme la construction d'un réseau de voies de chemin de fer, le coût marginal d'une unité de produit supplémentaire est faible. Le premier arrivé sur le marché peut ainsi vendre à un prix très inférieur à celui des entreprises qui tenteraient de lui faire concurrence. On parle dans ce cas de monopole naturel.

Un autre exemple de monopole qui peut se justifier pour des raisons économiques est celui du monopole d'innovation. Pendant un certain temps en effet, le producteur qui a innové avec un nouveau produit ou un nouveau procédé de production est difficile à concurrencer, jusqu'à ce que les autres producteurs trouvent le moyen de l'imiter. C'est d'ailleurs ce qui motive les efforts des entreprises pour la recherche développement. Or l'innovation contribue au bien-être de la population. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les Etats protègent les inventions avec le système des brevets, qui permet de faire durer plus longtemps l'avantage de certains innovateurs.


2/ En situation d'oligopole les entreprises ont intérêt à s'entendre au détriment des consommateurs, ce qui justifie la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles


 a) Le dilemme du prisonnier montre l'intérêt des relations de confiance (entente en situation d'oligopole par exemple) par rapport aux stratégies non coopératives

Le dilemme du prisonnier est un exemple classique de la théorie des jeux en économie. Il montre qu'avec deux joueurs chacun en situation d'incertitude sur une décision à prendre par l'autre, les deux ne font généralement pas le meilleur choix dans leur intérêt commun. Ils ont donc plutôt intérêt à échanger leurs informations et à se faire confiance, s'ils le peuvent. Dans l'exemple théorique du dilemme du préisonnier ce n'est pas possible. Deux voleurs interrogés séparément par la police, et sans véritable confiance entre eux, ont intérêt à dénoncer chacun l'autre s'ils peuvent bénéficier ainsi d'une peine réduite... alors qu'en se taisant tous les deux ils ressortiraient libres.

Sur un marché en situation d'oligopole, les entreprises sont par définition peu nombreuses. Elles ont ainsi intérêt à se faire confiance et à s'entendre, par exemple pour pratiquer des prix plus élevés plutôt que de chercher chacune à attirer les clients de l'autre avec des prix plus bas.


 b) La politique de la concurrence préserve le surplus des consommateurs en luttant contre les ententes et les abus de position dominante

Une entente entre les producteurs sur un marché d'oligopole a les mêmes effets que s'il y avait une seule entreprise en situation de monopole. Cela réduit tellement le surplus du consommateur que malgré la hausse du surplus du producteur, le gain à l'échange est plus faible qu'en situation de marché concurrentiel. Le bien-être de la population se trouve donc diminué.

Pour cette raison les pouvoirs publics ont prévu de lutter contre les ententes en situation d'oligopole, à différents niveaux. En France, cette mission est confiée à l'Autorité de la Concurrence, qui s'appuie sur le terrain sur les inspecteurs de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). A l'échelle européenne ce rôle est exercé par la commission européenne, qui peut mettre des amendes de plusieurs centaines de millions d'euros en cas d'entente sur les prix, ou bloquer les fusions-acquisitions (regroupements de deux grandes entreprises en une seule).

Ces dispositions sont d'autant plus importantes que les entreprises, ou alliances d'entreprises, en situation de quasi-monopole sur un marché, peuvent en profiter pour étouffer toute concurrence. C'est le cas par exemple si elles vendent des produits à perte (moins cher que le coût de production) assez longtemps pour que leurs concurrents plus fragiles disparaissent. On appelle cela un abus de position dominante.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Dans le domaine de la lutte contre les pratique anticoncurrentielles, comme dans beaucoup d'autres, il s'agit pour les pouvoirs publics de faire preuve de discernement. Les problèmes doivent être traités sans aveuglement idéologique dans un sens ou dans l'autre.