L'endettement public a-t-il des avantages ?

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Accroche   Pour un individu, l'endettement peut faire peur, même s'il peut avoir aussi son utilité. S'obliger à rembourser un prêteur, parfois pendant de nombreuses années, est évidemment une contrainte. Dans le cas des Etats ou des autres administrations publiques, le problème de l'endettement peut paraître différent, ne serait-ce que parce que la durée de vie d'un Etat n'est pas du tout la même que celle d'une personne.

Définition de mot-clé
   - dette publique :  sommes que l'Etat et les autres administrations publiques (collectivités locales, sécurité sociale) doivent rembourser à des prêteurs

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ La dette publique française à rembourser a déjà un niveau élevé, et en augmentant elle évince les entreprises de possibilités de financement de leurs investissements


 a) L'accumulation de déficits budgétaires annuels est à l'origine du niveau déjà élevé de l'endettement public

Parce qu'il faut payer notamment les militaires, les enseignants, les policiers, mais aussi construire et entretenir des routes par exemple, l'Etat et les autres administrations publiques ont des dépenses : ce sont les dépenses publiques. Pour y faire face, elles utilisent les recettes publiques que leur rapportent en particulier les impôts prélevés. Lorsque les dépenses publiques sont supérieures aux recettes, on se trouve dans une situation de déficit public. C'est possible car l'Etat peut emprunter, comme n'importe quel agent économique. Et il ne s'est pas privé de le faire depuis quarante ans.

Le déficit public se mesure : c'est tout simplement la différence entre les dépenses et les recettes publiques. En 2018 sa valeur a représenté 2,5% du PIB, c'est-à-dire 2,5% de la valeur totale créée en France par le travail et les moyens de production, cette année-là. La dernière fois que la France a connu un excédent public, le contraire d'un déficit, c'était en 1974. Et nos engagements européens nous imposent depuis 1997 d'avoir un déficit inférieur à 3% de notre PIB. Le record date pourtant de 2009, avec 7,5%.

L'Etat emprunte donc chaque année, depuis longtemps, un peu plus que ce qu'il rembourse, ce qui fait que la dette publique représente aujourd'hui près de 100% du PIB, à comparer avec 20% en 1975 et 50% en 1995... ou encore avec l'Allemagne (deux tiers du PIB), et les USA (environ 80%) aujourd'hui. Or plus la dette est élevée, plus son remboursement est contraignant. Le simplement paiement des intérêts représente déjà actuellement chaque année la plus grosse dépenses de l'Etat : c'est autant de moins pour payer des enseignants ou des policiers, ou autant de plus d'impôts à prélever.


 b) L'effet d'éviction de l'emprunt public prive les entreprises de moyens de financement

Ce sont les entreprises qui créent l'essentiel de la valeur produite chaque année. Les administrations fonctionnent d'ailleurs en prélevant une partie de cette valeur. Or les entreprises ne peuvent pas produire, ni augmenter leur production, sans se procurer auparavant des biens d'équipement. Avant même d'avoir effectué les ventes correspondantes et obtenu le moindre euro, elles ont donc des dépenses. Et l'emprunt est une des principales solutions pour y faire face.

Or le montant total d'épargne des ménages français peut varier un peu selon les périodes, en fonction des craintes pour l'avenir notamment, mais il est assez stable. Si l'Etat emprunte beaucoup, il doit attirer une part importante de cette épargne et proposer pour cela un taux d'intérêt attractif. Le taux d'intérêt jouant le rôle du prix sur le marché des prêts, l'Etat fait en réalité monter ce prix en augmentant la demande sur le marché en question.

Du coup certaines entreprises doivent renoncer à emprunter et donc à produire, car les activités envisagées ne seraient plus rentables : c'est l'effet d'éviction. Cela ne concerne pas seulement le marché des prêts d'ailleurs. Lorsque les épargnants achètent des parts d'entreprises ils comparent en effet le profit annuel prévisible, rapporté à leur placement, avec le taux d'intérêt des prêts qu'ils pourraient accorder.


2/ En cas de demande insuffisante le déficit budgétaire peut relancer l'activité économique, d'autant que la dette publique ne se rembourse pas comme une dette privée


 a) La durée de vie d'un Etat fait que le problème du remboursement de sa dette se pose différemment par rapport à une dette privée

Le niveau de la dette française est certes élevé par rapport à la situation il y a 25 ou 50 ans. Sans compter les contraintes que cela entraîne, notamment les intérêts annuels à payer, cela peut finir par poser un problème : plus un agent s'endette, moins les prêteurs ont confiance dans le fait d'être remboursés. Au-delà d'un certain niveau ils risquent donc de réclamer des taux d'intérêts bien plus élevés que le taux du marché pour compenser le risque, ou même de ne plus prêter du tout. C'est ce qui est arrivé à la Grèce en 2010-2011.

Cependant le niveau de dette français est plutôt dans la moyenne des pays riches, assez loin du niveau japonais (240%), grec (180%) ou même italien (130% du PIB). Et le problème de l'endettement public est différent de celui d'un individu. La durée de vie d'un Etat est longue et peut paraître presque infinie par rapport à celle d'une personne. Elle ne l'est pas vraiment du fait des guerres et autres phénomènes politiques au fil de l'Histoire. Mais si c'était le cas rien ne s'opposerait à ce qu'un Etat emprunte toujours plus chaque année, à la fois pour financer son déficit et pour rembourser ses dettes précédentes.

De plus, les Etats ont toujours les moyens de créer de la monnaie pour rembourser leur dette, même s'ils se l'interdisent en général pour éviter la hausse rapide des prix. Dans la zone euro la lutte contre l'inflation se fait toutefois à l'échelle européenne : il faudrait sortir de l'Union pour s'en affranchir et "faire marcher la planche à billets" (créer de la monnaie).


 b) Le déficit budgétaire peut servir à relancer l'activité économique en cas d'insuffisance de la demande

Lorsque l'endettement public est raisonnable et le rythme général de hausse des prix modéré, il peut être avantageux de baisser les impôts ou d'augmenter les dépenses de l'Etat, malgré l'accroissement du déficit budgétaire et donc de la dette publique qui en résulte. C'est le cas en particulier lorsque la production a tendance à peu augmenter ou à baisser, et le chômage à s'accroître. On dit alors que le pays suit une politique budgétaire de relance de la demande, pour les mêmes raisons que la banque centrale peut mener une politique monétaire de relance de la demande en baissant son taux d'intérêt directeur.

En effet une situation de hausse du chômage et de croissance ralentie de la production peut s'expliquer par la tendance des agents économiques à peu consommer et à peu investir, par exemple par crainte de l'avenir. D'où des unités de production qui ne fonctionnent pas à plein régime. Dans ce cas il peut être utile, comme l'a montré John Keynes, de stimuler la demande.

Cet effet peut être obtenu par la baisse des impôts, puisque cela accroît le revenu disponible des agents économiques, après impôts : ils sont donc conduits à vouloir davantage de produits. La hausse des dépenses publiques a le même résultat lorsqu'il s'agit d'une augmentation de la paie des salariés de l'Etat, ou d'un accroissement de leur nombre. Et lorsque l'Etat dépense davantage en faisant travailler des entreprises, par exemple pour acheter du matériel militaire, cela augmente le revenu des propriétaires et des salariés de ces entreprises : ils consomment donc plus, également, et les entreprises concernées augmentent d'ailleurs aussi leurs investissements (qui font partie de la demande globale).



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   A supposer que la hausse de l'endettement public puisse encore se justifier en France à certaines périodes de l'avenir, restera de toute façon le problème de nos engagements européens. Tant que nous partageons avec d'autres pays une monnaie unique, l'Euro, notre endettement public a en effet des conséquences sur tous les Etats membres de la zone monétaire.