Pourquoi faut-il lire les sondages avec prudence ?

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Accroche   71% des Français préfèrent le fromage cuisiné en raclette qu'en fondue. Comment le sait-on, et est-ce bien vrai, puisqu'on n'a pas pu poser la question à chacun ? C'est le résultat d'un sondage... L'information est donc intéressante, mais il faut l'interpréter avec prudence ! Et c'est encore plus vrai lorsque la question posée concerne une décision politique ou le choix d'un dirigeant...

Définition de mot-clé
   - sondage :  moyen de connaître la proportion dans une population de chaque choix de réponse possible à une question, avec une marge d'erreur plus ou moins élevée selon la méthode utilisée et le nombre de personnes interrogées, puisque le principe est qu'un échantillon de population peut assez bien refléter la totalité

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Il faut interroger un grand nombre de personnes au hasard pour que la proportion de leurs réponses possibles à une question reflète l'ensemble de la population


 a) Le principe du sondage est que la proportion des différentes idées sur un sujet est à peu près la même dans un échantillon assez large de population que dans l'ensemble

Si on tire trois fois une pièce en l'air elle peut tomber trois fois côté face. Mais comme il y a une chance sur deux qu'elle tombe de ce côté, il est peu probable qu'elle tombe cent fois côté face si on réalise cent tirages. Plus le nombre de tirages est grand, plus la proportion de tirage "face" s'approche de 50%, autrement dit moitié/moitié par rapport au nombre de tirages pile. Avec cent mille tirages, même un écart de dix mille entre le nombre de tirages pile et le nombre de tirages face est très improbable

Le principe des sondages repose sur la même idée. Si on interroge trois français au hasard, ils peuvent donner la même réponse à la question posée, sans que ce soit forcément la réponse qu'on trouverait le plus souvent en interrogeant les dizaines de millions de personnes qui composent la population. Mais si on interroge cent mille français, il est peu probable que la réponse la plus fréquente soit différente de celle qu'on obtiendrait en posant la question à toute la population. A condition que l'échantillon soit assez grand, le tout est assez fidèlement reflété par une de ses parties.


 b) En choisissant des personnes au hasard il faut en interroger plus de dix mille pour avoir une marge d'erreur de plus ou moins un pour cent aux résultats d'un sondage

De même qu'en effectuant cent mille tirages à pile ou face, on ne trouve en principe pas exactement 50000 fois pile et 50000 fois face même si on s'en approche, de même les sondages reflètent les réponses de l'ensemble de la population avec une marge d'erreur. Et celle-ci peut être calculée. On estime ainsi qu'il faut interroger au hasard plus de dix mille personnes pour avoir une marge d'erreur de plus ou moins un pour cent.

Lorsqu'un sondage a pour but évaluer les chances d'un candidat d'être élu face à ses concurrents, par exemple, la marge d'erreur peut facilement poser problème. En effet, parmi les candidats qui réussissent à remporter une élection, nombreux sont ceux qui gagnent avec avec seulement un, deux ou trois points d'avance sur leur opposant : 51,5% contre 48,5% par exemple. Et lorsqu'en 1992 les Français ont été interrogés pour savoir s'ils acceptaient le Traité de Maastricht créant l'Euro en remplacement du France, seulement 51% d'entre eux ont voté OUI ! Il faut donc être prudent avant de prendre une décision fondée sur un sondage, par exemple pour choisir le candidat d'un parti.


2/ Cela rend l'interprétation des sondages d'autant plus délicate que la marge d'erreur est parfois mal connue et que le choix des questions est souvent discutable


 a) La marge d'erreur de la méthode des quotas manque de clarté mais elle  nécessite dix fois moins de sondés pour être acceptable, ce qui la rend moins coûteuse que la méthode aléatoire

Plus on veut diminuer la marge d'erreur, plus le sondage coûte cher à réaliser : il faut interroger beaucoup plus de personnes au hasard pour diminuer juste un peu l'écart estimé avec la réalité. Or contacter par téléphone ou à domicile plus de dix mille personnes nécessite du temps de travail qu'il faut bien rémunérer. Avec dix personnes interrogées par heure, ce qui est déjà beaucoup même avec un questionnaire très réduit, et avec des enquêteurs coûtant 15 euros de l'heure charges sociales comprises, la dépense minimum pour un sondage sur 10000 personnes est déjà de 15000 euros. Il faut beaucoup de lecteurs payants pour compenser ce coût, si le sondage est destiné à accompagner un article.

Pour cette raison une autre méthode est souvent préférée à la méthode purement aléatoire. Elle consiste à guider le hasard pour obtenir des échantillons qui reflètent mieux la population avec moins de personnes. On cherche à avoir dans l'échantillon à peu près le même pourcentage de jeunes que dans la population générale, et de même pour les pauvres, les diplômés, etc. C'est la méthode des quotas. De cette façon on estime que la marge d'erreur est acceptable avec un échantillon d'environ mille personnes seulement, même si on ne peut pas la calculer mathématiquement. Ce type de sondage coûte moins cher mais doit être lu avec encore plus de prudence, surtout si l'échantillon est très largement inférieur à mille personnes.


 b) L'ordre et la formulation des questions ou encore le manque d'information de la population sur le sujet peuvent (également) rendre discutable l'interprétation d'un sondage

Repérer la méthode d'un sondage et la taille de son échantillon ne suffisent pas pour évaluer le sérieux d'un sondage. Il faut également tenir compte de la façon dont les questions sont formulées, des réponses proposées, et de l'ordre dans lequel ces questions et ces réponses sont présentées. La même personne peut donner une réponse très différente à la question "trouvez-vous que les enseignants ont trop de vacances pendant l'année scolaire ?" ou "trouvez-vous qu'il y a assez de petites vacances intermédiaires pour que vos enfants aient le temps de se reposer, en particulier dans la seconde moitié de l'année ?"

La réponse donnée peut également être très différente, pour une même personne, selon qu'elle a déjà entendu débattre ou non de la question posée, qu'elle s'y est déjà intéressée ou pas du tout. Ainsi les premiers résultats de sondage laissaient penser que les Français choisiraient d'adopter la monnaie unique avec une majorité des deux tiers, alors qu'après plusieurs mois de débats politiques sur la question à peine plus de la moitié ont voté OUI en 1992.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Les sondages ont bien des défauts et doivent être interprétés avec prudence. Mais ils ont sans doute l'avantage de rendre tangible l'opinion publique, et d'apporter ainsi une contribution à la légitimité des décisions prises. Ils participent au fonctionnement quotidien de la démocratie représentative.