Comment les enjeux environnementaux illustrent-ils les mécanismes du débat et de l'action publique à différentes échelles ?

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Sur de nombreuses questions d'intérêt collectif des décisions doivent être prises. Et plus grand est le nombre de citoyens qui s'y intéressent, plus il y a de chances que ces décisions soient légitimes, bien comprises, et tout simplement démocratiques. L'action politique est toutefois décevante parfois pour les acteurs qui s'y engagent, au-delà du simple vote aux élections. Entre les résultats espérés et les résultats obtenus de leur engagement, l'écart est souvent considérable, du fait de la complexité des enjeux et de la multiplicité des acteurs qui interviennent dans le débat et dans les décisions. C'est vrai notamment en ce qui concerne les questions environnementales, qui constituent un des sujets majeurs du débat public et de l'action politique actuels.

1/ Plusieurs catégories d'acteurs contribuent à la construction des questions environnementales comme problème public inscrit à l'agenda politique


 a) Pourquoi l'environnement est-il un exemple typique de problème public inscrit à l'agenda politique ?

Ce qu'on appelle un problème public est une question discutée de façon assez large au sein de la société, et pour laquelle une réponse est attendue de la part des pouvoirs publics : les élus d'une commune, d'un département, d'une région, ou à l'échelle nationale, le gouvernement et le parlement. Lorsque les responsables politiques commencent à envisager des décisions en la matière, il est assez fréquent de lire ou d'entendre que le sujet a été mis à l'ordre du jour dans un parti, par un élu et souvent par l'ensemble des forces politiques. Autrement dit, il a été inscrit à ce que les anglo-saxons appellent l'agenda politique ("political agenda").

Depuis plus d'un demi-siècle, à la suite de la publication du Rapport Meadows intitulé "Les limites de la croissance", les questions environnementales ont fait l'objet de débats de plus en plus vifs à l'échelle de la société, dans les pays anciennement industrialisés. Dès les accords de Kyoto en 1997, des mesures ont été envisagées pour la réduction des gaz à effet de serre par exemple. Un marché des quotas d'émission de CO2 a été instauré dans l'Union Européenne par exemple. D'autres dispositions sont régulièrement étudiées. L'environnement est ainsi un exemple typique de problème public inscrit à l'agenda politique.


 b) Quels acteurs participent à la construction des questions environnementales comme problème public ?

Avant que le sujet soit clairement à l'agenda politique et donc traité par les autorités, plusieurs catégories d'agents interviennent dans la construction d'un problème public, en matière de protection de l'environnement naturel comme dans d'autres domaines. Certains doivent d'abord prendre conscience du problème, puis ils doivent trouver le moyen de faire partager leur préoccupation, ce qui fait parfois intervenir d'autres acteurs afin de favoriser la diffusion de l'information : sur des médias comme internet, et éventuellement dans la presse écrite ou à la télévision. Des responsables politiques doivent ensuite être interpellés, et des solutions proposées.

En matière environnementale, la prise de conscience initiale peut venir des travaux de scientifiques, qui cherchent ensuite à alerter l'opinion. Il peut s'agir aussi de particuliers dont les habitudes sont menacées par un projet d'entreprise ou d'infrastructure publique, comme une usine ou une autoroute construite à proximité de leur campagne. La mise en commun de moyens matériels et d'énergies militantes se fait après dans le cadre d'associations souvent. Ces dernières font partie, avec les syndicats et les partis politiques, de ce qu'on appelle aussi, à l'échelle internationale en général, les organisations non gouvernementales (ONG). Lorsque l'appel répété à des journalistes débouche sur des articles, éventuellement après l'organisation de manifestations ou d'événements spectaculaires, ou lorsque la diffusion sur internet devient virale, les partis politiques commencent à discuter des solutions possibles. Ils cherchent souvent alors à s'appuyer sur l'avis d'experts. Les scientifiques sont aussi parfois directement sollicités par les ONG ou les journalistes.


2/ Comme pour d'autres enjeux du débat public, cela conduit à des relations à la fois conflictuelles et coopératives entre eux, de l'échelon local jusqu'à l'échelle mondiale


 a) Pourquoi les relations entre acteurs sur les questions environnementales sont-elles à la fois conflictuelles et coopératives ?

Les scientifiques, les ONG, les pouvoirs publics, les entreprises, et les journalistes, sont souvent conduits à s'affronter sur les questions environnementales, comme sur d'autres sujets. Les associations ou autres ONG gênent, en compagnie des journalistes, les pouvoirs publics lorsqu'elles les obligent par des actions médiatiques à arbitrer entre des intérêts contradictoires, au risque de mécontenter tout le monde : par exemple lorsqu'il faut stopper la pollution d'une usine ou au contraire préserver l'emploi des salariés. Des scientifiques lanceurs d'alerte, sur internet ou à la télévision, contrarient parfois pour les mêmes raisons les décideurs politiques, ce qui peut exposer ces gens courageux à des mesures punitives. Les ONG s'attaquent aussi directement aux entreprises lorsqu'elles ont des pratiques nuisibles, en remettant parfois en cause également l'expertise de scientifiques payés par elles. Dans d'autres cas les entreprises sont en conflit avec des scientifiques qui dénoncent leurs pratiques. Enfin l'Etat contrôle et sanctionne les patrons hors-la-loi.

Mais les pouvoirs publics comme les entreprises se servent aussi des journalistes pour défendre leur image dans l'opinion sur les questions environnementales. Les autorités politiques ont également besoin, pour bien faire les lois, de l'information que les associations ou les entreprises peuvent leur fournir. Car ces dernières font travailler des chercheurs spécialisés, notamment pour concevoir leurs produits dans le cas des entreprises. Et lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par les sociétés privées, une part non négligeable des experts scientifiques vivent grâce à des salaires versées par l'Etat, en particulier les universitaires.


 b) Comment l'action publique pour l'environnement se développe-t-elle à différentes échelles ?

Beaucoup de questions environnementales se posent à l'échelle mondiale. Le rejet des gaz à effet de serre et ses conséquences sur le réchauffement climatique ne s'arrêtent pas aux frontières des Etats-Nations, par exemple. Dans une économie mondialisée, si un gouvernement interdit ou taxe des activités polluantes, il ne fait que déplacer le problème. La même entreprise, si c'est une firme multinationale, continuera à polluer en transférant sa production dans un pays où les contraintes environnementales sont moindres. Si elle ne le peut pas ou si ne le veut pas, elle disparaîtra probablement sous l'effet de la concurrence d'entreprises étrangères, qui pourront vendre moins cher avec des coûts de production inférieurs. Dans tous les cas le gouvernement national aura pris une mesure sans effet sur l'objectif environnemental, et nuisible à sa population en termes d'emplois. C'est pourquoi plusieurs accords internationaux, notamment ceux de Kyoto en 1997 et de la COP21 à Paris en 2015, ont été signés.

En l'absence de gouvernement mondial et donc de véritable sanction possible pour un état signataire qui ne respecterait pas ses engagements, les décisions prises à l'échelle internationale n'ont cependant pas été suivies d'effets dans tous les pays. A la suite de changements de gouvernement, certains Etats sont même revenus sur leur signature : cela a été le cas de l'Etat fédéral américain sous la présidence de Donald Trump. Cela rend d'autant plus importantes les actions qui sont menées également au niveau local : de nombreuses villes américaines, ainsi qu'une partie des Etats fédérés, ont ainsi pris des mesures pour continuer à inscrire leur pays dans cet effort mondial, indépendamment du pouvoir fédéral. L'action pédagogique pour convaincre les populations, notamment les consommateurs et les chefs d'entreprises, peut jouer également un rôle important à l'échelle de petites communautés, où le contrôle social fonctionne de façon spontanée. Enfin le rôle joué par l'Union Européenne est loin d'être négligeable, grâce à sa taille.


Conclusion   Des collectivités territoriales, c'est-à-dire en France les communes, les départements, les régions... jusqu'aux accords inter-gouvernementaux à l'échelle mondiale... en passant par l'Union Européenne : toutes les échelles de l'action publique sont mobilisées en permanence, ou presque, en faveur de l'environnement. Et la protection de la nature illustre clairement aussi la façon dont cette action publique peut se déclencher, après la construction d'un problème public par de nombreux acteurs, qui entretiennent entre eux des relations de conflit et de coopération mêlées. Pour l'instant toutefois, il semble que les résultats espérés des mobilisations et des politiques en matière environnementale ne soient pas vraiment au rendez-vous. Si l'on en croit la dernière publication du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), organisme rattaché à l'Organisation des Nations Unies (ONU), le réchauffement climatique se poursuit au rythme de 0,2°C tous les dix ans, et devrait atteindre 1,5°C, par rapport à l'ère préindustrielle, déjà aux alentours de 2040. L'objectif fixé par les Accords de Paris, de maintenir le réchauffement largement au-dessous de 2°C, paraît déjà compromis.