L'étude scientifique de la société est -elle une menace, un espoir, ou simplement impossible ?

Pour revenir au sommaire des SES, c'est ici...    et pour la version affichant une idée par sous-partie, c'est par là...    (droits réservés)


Accroche   Prévoir le comportement humain au point de le mettre en équations, c'est un cauchemar de plus en plus souvent exprimé par des oeuvres littéraires ou cinématographiques: certaines évoquent par exemple une sorte de "matrice" à l'intérieur de laquelle les individus se trouveraient manipulés. Malgré les résultats obtenus par l'étude scientifique de la société, et la contribution qu'ils peuvent d'ailleurs apporter au bien-être, des doutes sont cependant permis sur la possibilité de dégager en la matière des lois de portée générale.

Définition de mot-clé
   - sociologie :  étude des comportements en société, en particulier la façon dont les individus sont influencés par les caractéristiques d'ensemble de leur environnement humain, et peuvent aussi faire évoluer ces caractéristiques, volontairement ou non.

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Malgré les outils disponibles pour objectiver la réalité sociale, le sociologue doit tenir compte, plus que tout autre scientifique, de son rapport à la réalité qu'il observe, et modifie parfois.


 a) Quelles sont les difficultés particulières de l'étude scientifique de la société ?

Avant d'être un chercheur, un sociologue est un être humain. Il est donc influencé, dans sa façon de voir la société, par la position qu'il y occupe lui-même : par le parcours qu'il a eu, depuis son enfance, dans ses relations avec les autres. Or ce que nous apprenons sur la société par notre expérience personnelle n'est pas une connaissance scientifique, vérifiable par des observations répétées.

Par exemple si notre chercheur peut gagner sa vie en tant que sociologue, c'est peut-être qu'il a réussi des concours très difficiles, comme celui de l'école normale supérieure, après avoir brillamment réussi au collège et au lycée. Dans ce cas, il risque d'avoir du mal à imaginer que sa réussite scolaire n'était pas due seulement à ses efforts et à son talent (surtout si ses parents et ses professeurs lui ont répété depuis son enfance qu'il était plus travailleur et plus intelligent que ses petits camarades). C'est pourtant ce qu'a prouvé un sociologue comme Pierre Bourdieu, en montrant par exemple que la manière de parler, dans l'entourage familial, influence beaucoup les chances de réussite d'un élève.

Lorsqu'il fait des remarques sur la vie sociale, le sociologue doit donc pouvoir penser à des liens de cause à effet entre elles, même si cela remet en cause des idées qui peuvent sembler évidentes au départ, à lui comme à beaucoup d'autres. Une difficulté supplémentaire est qu'en interrogeant des individus pour une enquête sociologique, on soulève parfois des problèmes que les gens ne se posaient pas auparavant, ou on risque d'influencer leurs réponses sans s'en rendre compte.


 b) Quels outils permettent au sociologue de considérer les faits sociaux à peu près comme des choses ?

Sur la vie en société, quand un chercheur fait une observation, il existe toujours un risque que la principale explication de celle-ci lui échappe à cause d'idées toutes faites qu'il a au départ. Et le sociologue risque également souvent de modifier la réalité qu'il observe, simplement par sa présence, ou par la façon dont il pose les questions. Mais après tout, lorsqu'en sciences de la vie on éclaire des bactéries pour les observer au microscope, on modifie aussi leur comportement. En sciences physiques aussi, les instruments de mesure peuvent influencer certains résultats.

L'important est que le sociologue n'oublie pas ce genre de problèmes possibles, afin de limiter ces risques en y réfléchissant au maximum. Il est aussi plus facile d'éloigner le risque d'une erreur personnelle d'interprétation grâce à l'étude statistique de deux ou trois variables, dont on observe les relations à travers les nombreuses valeurs qu'elles prennent. Selon les pays ou les groupes d'individus, on peut ainsi chercher par exemple à montrer un lien entre l'inégalité des revenus et le nombre d'homicides pour 10000 habitants.

L'observation répétée d'une relation entre deux variables rend le travail du sociologue moins subjectif, moins lié à son propre point de vue ou à celui de ceux qu'il interroge. Une des premières études de sociologie, due à Emile Durkheim, a ainsi établi statistiquement que les personnes seules ont davantage tendance à se suicider que les autres. Et lorsqu'il est difficile d'avoir un grand nombre de données, le chercheur peut essayer de rester le plus discret possible lors des entretiens qu'il est amené à faire pour obtenir des informations.


2/ La possibilité d'une approche scientifique de la société peut contribuer au bien-être des individus, si les sociologues restent vigilants sur l'usage fait de leurs connaissances.


 a) Dans quels cas l'étude scientifique de la société pourrait représenter une menace ?

Les relations entre les êtres humains sont influencées par une quantité presque infinie de facteurs : la fréquence des contacts au sein d'un groupe ou entre groupes, le langage et les autres moyens utilisés pour communiquer, le nombre des membres, la répartition selon l'âge et le sexe, la disposition des tables dans une pièce, la couleur des murs, la température, les événements du passé proche ou lointain, la présence de nourriture, l'existence d'un danger réel ou supposé? ne sont que des exemples.

Cette complexité n'empêche pas les sociologues d'acquérir des connaissances vérifiables sur les liens entre différentes variables du comportement des individus et des groupes. Mais elle rend beaucoup plus difficile, et souvent même impossible, la prévision dans le domaine des sciences sociales. Bien moins complexe que les systèmes humains, le système climatique lui-même ne permet d'ailleurs pas toujours des prévisions fiables.

Toutefois lorsque la prévision apparaît possible, il est légitime de se préoccuper des objectifs poursuivis, à la fois par les scientifiques et par ceux qui peuvent utiliser leurs informations. L'application technique de la connaissance scientifique, lorsqu'elle concerne les relations entre individus, peut en effet faire craindre une réduction des libertés pour un grand nombre d'entre eux : ils pourraient être mis au service de la volonté de quelques-uns sans forcément en avoir conscience.


 b) Comment la sociologie peut-elle contribuer au bien-être des individus et des populations ?

Tout savoir scientifique représente en même temps des chances d'améliorer le bien-être, et des dangers. C'est pourquoi ceux qui produisent et transmettent la connaissance, en sociologie comme dans d'autres domaines scientifiques, ont une responsabilité particulière. Ayant une bonne compréhension des mécanismes qu'ils ont découverts, ou qu'ils décrivent, ils sont bien placés pour éviter ou dénoncer les usages contraires à l'intérêt collectif qui pourraient être faits de ce savoir.

Il ne faut donc pas avoir peur des connaissances scientifiques sur la société, car elles ont par ailleurs de nombreux avantages. Si un chef d'entreprise prend un repas en commun avec un représentant syndical, il peut l'avoir proposé car il sait que manger ensemble fait plutôt baisser l'intensité du conflit entre deux personnes. Ainsi sera peut-être trouvée une solution acceptable par chacun pour éviter une longue grève, dangereuse pour la survie de l'entreprise. Si le représentant syndical comprend la démarche du patron, grâce à ses propres connaissances sur les mécanismes sociaux, il ne risque pas de toute façon d'être manipulé dans un sens contraire aux intérêts des ouvriers.

D'autrse exemples peuvent être donnés: les études consacrées aux conséquences habituelles de la séparation des parents sur la scolarité des enfants, ou aux effets positifs et négatifs, sur la délinquance, de mesures de répression sévères comme l'emprisonnement, peuvent permettre aux enseignants, aux responsables politiques ou aux juges de prendre de meilleures décisions dans l'intérêt de la collectivité.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Le cauchemar de la "matrice" a beau être un sujet de fiction fascinant, il n'est probablement que l'envers d'un rêve de toute-puissance, sans rapport possible avec une quelconque réalité actuelle ou à venir. Cela n'exonère pas les sociologues d'une responsabilité individuelle et collective vis-à-vis de l'usage qui peut être fait de leurs travaux. Des abus sont toujours possibles lorsqu'on passe de l'étude scientifique à l'usage technique du savoir produit par la science. Sans doute cette préoccupation peut-elle être davantage prise en compte dans le cadre de la formation des scientifiques, aussi bien initiale que continue, et dans tous les domaines de la connaissance.